Responsable Observatoire Autisme. EuroFédération de psychanalyse
Il y a peu de temps, nous avons appris l’heureuse nouvelle que Théo, le jeune garçon fasciné par l’eau et l’ordinateur que nous venons de découvrir dans le documentaire : « le monde de Théo » a pu accomplir son rêve de nager aux côtés des tortue marines lors d’une plongée en mer.
Si Valérie Gay-Corajoud, sa maman, n’a pu être à nos côtés aujourd’hui, c’est parce qu’elle accompagne actuellement Théo lors d’une nouvelle exploration en méditerranée.
En avril de cette année, lors d’une manifestation organisée par La Main à l’Oreille dans le cadre de la journée internationale de l’autisme, Théo a pu prendre la parole avec aisance aux côtés de son frère Harold (1). Ensemble, ils ont témoigné du trajet difficile qu’ils ont dû parcourir afin de renouer le lien fraternel interrompu lors de la deuxième année de Théo lorsque celui-ci tomba dans ce que Owen Reskind et Donna Williams, tous deux autistes, appellent respectivement « puit noir » et « Grand Rien Noir ».
Dans le documentaire « le monde de Théo » ce dernier nous est présenté par sa mère. Plus précisément, elle nous invite à entrer dans son monde, nous faisant partager ses joies, ses préoccupations, ses angoisses vécues durant les différentes adversités que Théo rencontra afin de sortir de son repli autistique.
A travers le généreux engagement de nos ami(e)s du grand réseau d’échanges de LaMàO (La Main à l’Oreille), Théo fait maintenant partie de notre monde.
Présidente de l’association des familles TEAdir-Aragón
Quand on se demande ce que signifie ce séminaire de Bonnes Pratiques entre professionnels et familles, on doit regarder en arrière et se souvenir, parce qu’heureusement, ces bonnes pratiques ont fait qu’aujourd’hui la vie soit plus facile, tant pour l’enfant que pour la famille.
Une chose qui toujours m’a préoccupée et angoissée, c’est la possibilité de « perdre mon enfant ». Ce fut une époque agitée, un temps où les mécanismes que mon fils utilisait pour alléger le chaos de son monde supposaient la défaite du mien.
Il lui arrivait de sortir en courant sans m’en avertir, dans ce que je comprenais comme étant un parcours sans objectif, ce qui m’angoissait et faisait que toujours je l’attrapais, l’appelais à grands cris et ne le laissais pas s’éloigner de moi de plus d’un mètre.
Un temps plus tard, j’ai commenté la situation avec son thérapeute. L’idée de ne pas pouvoir délimiter le monde et la sensation qu’il ignorait le danger, me plaçait dans une position de gardienne épuisante, et pour lui, je suppose que ça l’amenait à se sentir harcelé constamment, dans un cycle de fuite/capture sans fin.
Son thérapeute m’a fait comprendre que, bien qu’il explore les limites, il le faisait avec un but : trouver ce qui, à ce moment de sa vie, captait tout son intérêt : l’ouverture et la fermeture d’une porte de garage.
Le tic nerveux, cette manière étrange de trainer les mots, ce parler formel, quasi académique et pédant, ce jeu solitaire et extravagant dans le parc…
Les symptômes font naître la peur et nous mettent en alerte. Quand on se rend à la consultation médicale, c’est à cela que l’on fait référence : il joue seul, il parle avec des personnages étranges, il bouge sans cesse la tête, il se bloque, on dirait qu’il ne nous entend pas, il est plongé dans son monde, il traine les mots comme s’il bégayait, sa conversation est excessivement formelle…
Et à l’école, sa maîtresse parle aussi de ces symptômes : il ne s’entend pas avec ceux de la classe, il va à son rythme, on dirait qu’il n’est pas attentif, il se met en colère quand il y a beaucoup d’agitation, il n’arrête pas de peindre sur les marges des livres ou de faire des boulettes de papier avec les cahiers…
Et au parc, il est repéré par ses symptômes : celui-là, c’est l’enfant « bizarre », « excentrique », « différent ».
Si seulement les symptômes disparaissaient. Si seulement il pouvait se comporter comme les autres. Sans ces maudits symptômes, mon fils serait comme les autres. Sans symptôme, il n’y aurait pas de problème.
Et alors on se demande : peut-être que si on le forçait à tenir la tête tranquille, peut-être que si on l’inscrivait au club de football, peut-être que si on lui retirait la console pour qu’il soit obligé de jouer au parc, peut-être que si on le reprenait chaque fois qu’il dessine sur les marges du livres pour qu’il arrête de le faire, peut-être que si tous symptômes disparaissaient…peut-être…
Mais jour après jour, on se rend vite compte que lutter contre ces manifestations, c’est nous en tenir à la surface, à ce qui est apparent et que très vite, notre enfant substitue un symptôme réprimé par un autre qui comble sa fonction.
Chez nous, ceci a été très clair : nous avons réprimé sa « manie » de peindre sur les marges des livres pendant la classe parce qu’il paraissait distrait. Et lui, il a remplacé cette « manie » par celle de faire des boulettes de papier avec les feuilles des cahiers.
Et à partir de ça, on l’a compris.
Ses dessins étaient son appui, son refuge, son soutien.
Nous borner au symptôme (son apparente déconnection en classe), nous avait fait oublier l’important : qu’il était attentif bien qu’il n’en avait pas l’air et qu’il avait trouvé une solution pour pouvoir fixer son attention d’une manière qui lui soit moins agressive ou invasive. Et nous avons appris à nous fier à lui, à sa logique, à sa façon de se présenter dans le monde et face au monde.
Nous sommes parents d’un merveilleux petit garçon de 3 ans et demi.
C’est un enfant vif, intelligent, câlin, surprenant, drôle… C’est aussi un petit garçon atteint de troubles du spectre de l’autisme ou « autiste » si l’on préfère.
Notre petit pleurait beaucoup étant bébé, et rapidement l’habillage, le déshabillage, les changements devinrent difficiles pour lui. Il faisait beaucoup de colères.
Je me souviens qu’il a mis trois semaines à passer du landau au cosy, alors qu’il n’avait encore que quelques mois… Vers ses 15 mois, il s’est mit à faire de grosses colères et se faisait mal et cela nous inquiétait beaucoup.
Devant mon inquiétude grandissante, mon pédiatre me conseilla de l’inscrire en crèche pour qu’il soit en collectivité. A la fin de l’année dernière nous étions très inquiets, notre petit garçon était comme dans une bulle, nous avons crû qu’il était sourd.
Il évitait clairement le contact avec les autres enfants.
J’ai fait part de mes inquiétudes à la crèche, là-bas il jouait seul, il refusait d’aller aux activités. Après plusieurs consultations, et devant notre entêtement à penser qu’il y avait un problème, nous avons consulté en milieu spécialisé : notre fils était autiste.
Comme vous le savez, Patinete est un Centre d’Éducation Infantile qui, bien qu’il ait la particularité d’accueillir des enfants avec de graves difficultés, la majorité de ceux qui le fréquentent sont des enfants à qui on applique vulgairement l’adjectif « normal ». Cependant, pour nous, cette soi-disant « normalité » ne nous dispense pas de réaliser un travail minutieux avec chacun d’entre eux en prenant toujours en compte la particularité du cas par cas.
Pour cela, pour illustrer les réflexions sur l’entrée et le processus de séparation, nous avons choisi de présenter ce que nous pourrions appeler « un cas parmi d’autres » mais comme vous le verrez, traité dans sa singularité.
Quería hacer una pregunta a Mariana, que ha comentado antes que tiene una hermana autista ¿En qué momento ves lo que le pasa a tu hermana, lo aceptas, y crees que los demás se tienen que enterar, lo tienen que comprender también? ¿En qué momento pasas a tomar esa decisión?
“Cuando yo era niña la primera respuesta que tuve fue la agresión, porque primero yo me sentía agredida por la llegada de mi hermana, que llegó un año después de mí. Ahora lo sé, me sentí agredida porque su presencia enigmática desde el momento en que nació detuvo todo, tomó el lugar de todo. Y yo tuve que hacer primero con esa agresividad, y al mismo tiempo con la fascinación que me despertaba mi hermana porque la veía especial. Sentía un amor hacia ella, y una mezcla entre amor y enojo por haber llegado tan pronto y quitarme un lugar. Yo pensaba que había algo de esto. Pero después empezó a fascinarme y yo decía “Bueno, si todos se interesan en ella, voy a ser como ella”. Entonces me puse… no a imitarla, pero me pegaba a ella y me volví como su doble. Me ponía sentada a su lado y comencé a preguntarme “Pero, ¿qué hace ahí callada, en un rincón, en el jardín? ¡Algo debe hacer!”. Y descubrí muchas cosas.
L’entrée d’un enfant Centre d’Éducation Infantile est un travail à part entière. L’arrivée dans un lieu nouveau et où se trouve de nombreuses personnes inconnues peut être une situation menaçante pour un enfant. Le fait que le lieu soit attrayant et que les personnes soient aimables avec lui n’est pas un élément suffisant pour que l’enfant ait envie d’y rester. Par ailleurs, sa présence dans ce lieu est inévitablement associée au fait que sa maman, son papa ou la personne qui s’occupait de lui jusqu’à présent, disparaisse, et cela avec l’angoisse que cela peut provoquer dans certains cas. Plutôt que de parler du travail au singulier que l’enfant doit réaliser lors de son entrée au jardin d’enfants, nous devrions bien mieux parler de son travail au pluriel. En effet, il va falloir qu’il s’approprie le lieu et les éducateurs comme faisant partie de son monde familier, et il devra aussi faire un travail de séparation d’avec sa mère afin de vivre cette expérience sans angoisse excessive.
A Patinete, avec les éducateurs, nous travaillons aussi pour que la rencontre avec l’enfant se passe pour le mieux. A la différence des autres centres d’éducation infantile, nous proposons que l’enfant soit accompagné dans un premier temps par une personne de son entourage familier. Cet accompagnement lui offre ce sentiment de sécurité dont il a besoin, grâce au « pont affectif » qui s’établit entre les éducateurs et les familles. De cette manière, l’enfant peut nous inclure dans le « familier » de son entourage. Le lieu et les éducateurs se trouvent ainsi baignés dans le climat rassurant que transmet la personne qui l’accompagne, et qui, comme nous, doit se mettre au travail. Pourquoi ? Parce que la séparation fonctionne toujours à deux, l’accompagnant est donc partie intégrante de ce travail.
La pluie, le vent, la chaleur excessive du soleil, rien ne faisait obstacle à la présence dehors, à l’extérieur, de ce petit prince silencieux et pourtant si attentionné.
Je l’invitais à rompre cet isolement. Il accepta.
Il me confia un premier « dessin ». Des panneaux. D’abords isolés, puis entreposés, posés les uns près des autres, un par un. De face, de profil, de dos, aux détails vertigineux.
Puis ils apparurent dans une scénographie où des routes, des autoroutes, des glissières de sécurité, des voitures venaient prendre place. Quelques toitures, quelques maisons apparaissaient.
L’ouvrage terminé, l’auteur de l’ouvrage me confiait les noms des éléments représentés, avec concentration, avec discrétion, avec joie aussi. Puis il me confiait son ouvrage, un par jour, demandant parfois à les revoir – avec jubilation, satisfaction mêlée.
En ce texte, je ferai un récit sur ma rencontre avec la Dr. Chiara Mangiarotti, sur le parcours initié à travers l’atelier de peinture avec mon fils Marco, et sur les expériences positives qui mon apporté les bons conseils éducatifs que l’on m’a donné.
Mon fis a maintenant 25 ans, et nous reçûmes le diagnostic d’autisme lorsqu’il n’avait que trois ans. Il ne fut jamais facile de l’éduquer parce qu’il avait un fort caractère, souvent oppositif que, additionné à un physique imposant (il mesure actuellement 1m95 pour un poids de 100 kg) et une certaine tendance aux comportements agressifs, cela nous a souvent amené à ne pas l’inscrire aux activités scolaires, ou à limiter l’intervention éducative par la peur de l’agression physique. Malgré qu’il possède un niveau cognitif qui lui a permis d’apprendre à lire et à écrire, Marco ne verbalise pas –par exemple, il s’exprime avec des holophrases-, mais en général il a un bon niveau d’autonomie personnelle. Depuis tout petit il a montré le goût pour le dessin, et au fur et à mesure il a développé son talent et son style expressif, ce que nous avons encouragé en l’inscrivant à un licée artistique pour y réaliser ses études secondaires.
Les problèmes, donc, ont toujours été nombreux, mais à travers la structuration spatio-temporelle, avec l’aide de la communication à travers d’images et de pictogrammes, utilisées également pour dicter les règles de conduite, nous avons réussi à ce que Marco soit une personne capable d’assister à l’école, et ensuite, au centre de jour.
TORREON. Espace d’accueil et de traitement pour les enfants et leurs familles.
Gracia Viscasillas. Coordinatrice clinique
« Nous sommes quelques-uns à cette époque à avoir voulu attenter aux choses, créer en nous des espaces à la vie, des espaces qui n’étaient pas et ne semblaient pas devoir trouver place dans l’espace. ».
Antonin Artaud
Devise écrite sur le mur de Torréon
Il nous semble qu’une institution orientée par la psychanalyse est un lieu privilégié pour un accueil et une offre au sujet. Un accueil a ses modes de traitement, de défense, face à l’invasion de jouissance dont il souffre. Une offre, construite dans une pluralité – d’espaces, d’intervenants – pour créer un « espace », une « atmosphère », constituant un lieu de réponse au-delà des effets de signification. C’est à partir de ce travail que nous pouvons parler des effets civilisateurs de la jouissance.
Pour habiter cet endroit de réponse, il faut mettre l’accent sur l’accueil du sujet, sur le particulier qu’il apporte pour mettre au travail. Depuis des années, dans nos institutions, nous avons misé sur l’orientation que nous apporte la « pratique à plusieurs », ce qui implique que nous faisons rejaillir le « traitement » sur l’Autre avec qui le sujet a à voir – les intervenants, l’institution elle-même – les effets étant ceux à entrevoir dans le sujet. Il est donc important pour cela de capter quelles sont les conditions de l’Autre qui permettent, pour chaque sujet, de faciliter la rencontre.
Là où la langue française n’utilise qu’un seul mot, « être », en espagnol, nous en possédons deux : ser (être intrinsèque) et estar (être d’état). Parfois, il semble que nous vivons dans une société dans laquelle la demande par rapport à ces enfants est qu’ils « aillent » (être d’état) bien, pour qu’on ne remarque pas qu’ils sont « différents », c’est à dire qu’ils se « normalisent ». Cette vision qui met l’accent sur l’« être apparent » néglige ce que chacun d’entre eux « est », non plus dans sa différence, mais dans sa singularité. À Torreón nous nous engageons à créer des lieux où chacun d’entre-eux puisse « être (d’état) comme il est (intrinsèque) » et nous avons découvert que c’est en faisant cela qu’ils peuvent justement « être (être d’état) bien ». Être bien, pas sur la photo fixe de la supposée « normalisation », mais dans « sa » normalité, celle de tout un chacun.
Assumer la singularité de mon fils vis-à-vis des autres n’a pas été simple. A la maison, cette façon d’être différente a toujours été plus facile à appréhender quoique éprouvante physiquement. Je composais avec les débordements de Mahé, les subissais, sans les comprendre vraiment, sans savoir y faire et naturellement tentée en vain de lui répéter »pourquoi fais-tu cela », « arrête de crier », « tu peux arrêter de sauter ? », etc…
Au fil des mois et grâce à un travail personnel, mes inquiétudes, quant à l’évolution de mon fils, se sont dissoutes et une distance a pu peu à peu s’installer. Assumant pleinement sa façon d’être décalée par rapport aux autres, mais surtout par rapport aux attentes de la société, il s’est ouvert un chemin pour construire à partir de sa différence vécue désormais comme un puit de richesse incroyable ouvrant les portes de chemins encore inexplorés. La vie à la maison s’en est trouvée améliorée. J’ai pu accueillir l’expression de sa liberté dans un cadre flexible, propice à des petites victoires issus de contournements et d’inventions dans le quotidien. Construire des petits pas plutôt que s’épuiser à tendre vers une norme coûte que coûte au prix de souffrances et d’énergie inutilement déployée est ce vers quoi je tiens. Ouvrir plutôt que fermer, écouter, inventer plutôt qu’imposer, souvent pas sans mettre mon fils en face de certaines petites responsabilités afin qu’il soit le véritable acteur de ces petites victoires. Apprendre à vivre ensemble déjà au sein d’une famille, quelle qu’elle soit, se respecter mutuellement.
Lorsque Mahé est dans un état d’agitation extrême ou dans une situation de repli face à ce qui vient de l’extérieur, qu’il répète en boucle un mot, qu’il crie, l’expérience du quotidien m’a amenée à contourner son état en usant de ruses plutôt que de rentrer dans son jeu, ce qui nous conduirait des toutes façons à une impasse. Pas de recette miracle, j’essaie de m’adapter à la situation vécue au moment où elle surgit : ne pas réagir dans tel cas, le détourner vers autre sujet, l’air de rien, mais usant tout de même de fermeté pour qu’il apprenne à respecter l’autre et vivre avec les autres.
Le désir doit venir de lui
Si Mahé refuse d’aller se brosser les dents, il m’arrive encore de lui demande r de le faire une fois, deux fois, trois fois et plus encore. Un jour sa grand-mère était à la maison et lui répétait d’aller se laver les dents, en vain. J’ai alors dit à Mahé : « ce n’est pas mon problème que tu ais les dents sales finalement, moi mes dents elles sont propres ». Sachant qu’il s’est épris d’une petite fille, j’ai ajouté : « les filles aiment bien les garçons aux dents propres je crois, mais tu fais comme tu veux ». Et Mahé répondit aussitôt : « Siiii maman, je veux me brosser les dents, j’y vais !! ».
A l’âge de 8 ans, Mahé ne savait pas lire « couramment », il commençait à déchiffrer des mots et je sentais qu’il pouvait arriver à lire des phrases entières. J’ai donc essayé de lui faire lire des textes qu’il étudiait en classe de Clis, jusqu’au jour où il a refusé catégoriquement. J’ai eu conscience que nous frôlions une impasse si j’insistais. J’ai alors fermé le livre et lui ai dit que tant pis, à près tout c’était pour lui, que moi cela me faisait plaisir de l’aider à apprendre à lire, que ça me semblait important puisqu’il me parlait souvent de sa liberté, mais que si cela devait mener à une telle situation, je n’insisterai plus, que cela m’était très désagréable. Mahé m’a suppliée de continuer de l’aider à lire, m’avouant qu’il trouvait ça très difficile. Je lui ai alors lu un petit livre qu’il aimait pour enfant de trois ans, j’ai commencé à lire puis lui ai demandé de déchiffrer la suite. Il a lu en s’appliquant et a crié enthousiaste « je sais lire, je vole »! Depuis ce jour, il lit, régulièrement pouvant passer une journée entière à lire ses collections de livres.
Mahé est amoureux, il ne parle à longueur de journée d’une fille qui est en 6ème. C’est pénible à entendre toute la journée et envahissant pour lui, il se met dans des états de tristesse terribles. J’essaie de me servir de cette histoire pour le faire grandir, le responsabiliser, en lui disant que non seulement en 6ème les enfants savent lire des livres de grands mais qu’en plus, ils écrivent bien et d’autres choses encore. Quelques jours plus tard, dans une librairie, Mahé m’apporte un livre de grands sans image afin que je l’achète : Allons réveiller le soleil. Je le préviens que c’est un livre pour les grands de 6ème, il insiste pour le prendre, je l’achète, et pendant trois jours, il a lu ce livre. L’écriture est venue très vite après. Son psychanalyste a eu un jour la très bonne idée de faire écrire par Mahé une lettre à cette amoureuse qu’il irait déposer chez elle pour la remercier de son invitation, alors qu’il ne pensait qu’à elle après l’avoir vue. Il l’a écrite et ce fut une façon de mettre en pratique concrète l’intérêt d’apprendre à écrire. La petite fille lui a répondu qu’il écrivait très bien. Il était fier, heureux, grandi!
Un jour nous avons été avec Mahé et son frère dans un magasin pour acheter des planètes à coller au plafond. Mahé est tombé sur des kinders au marketing du film Cars. Les voyant, il a voulu que je les lui achète. Je lui ai dit non, il a commencé à crier. Me souvenant d’une crise qu’il avait fait un mois auparavant dans un supermarché, j’ai décidé de lui laisser le choix entre la lune ou les kinders, lui disant que la lune me semblait un achat plus intéressant que les kinders, et que de toutes façons il n’aurait pas les deux. Il a pris les kinders puis les a reposés quelques minutes après en s’en prenant à la stratégie de vente des magasins « mais pourquoi ils vendent des kinders, ils sont fous eux, j’étais venu acheter une lune ».
User de détours
Mahé était indifférent aux histoires depuis son plus jeune âge. Comme j’en racontais à son frère, je lui ai toujours proposé de se joindre à nous, sans le forcer. Je faisais exprès de souligner de ma voix un passage qui pouvait faire résonance en lui afin de l’y intéresser. Au début, une phrase pouvait lui faire dresser l’oreille, puis un passage. Mahé écoute maintenant volontiers les histoires et en demande même le soir. Quelques fois, lorsque je sens que l’histoire ne l’intéresse pas, j’ajoute un mot, une phrase, comme des ingrédients, pour susciter son attention. Je ne lui pose pas de questions, je reformule quelques fois pour faire un pont avec ses centres d’intérêts du moment, ponctue de « c’est incroyable ! » et de » à ton avis, qu’est-ce qu’il va se passer après ? ».
Quelques fois, Mahé est là, tournant en rond pendant de longs moments. Si je lui propose de faire quelque chose, cela aboutit à chaque fois à un NON. Alors il m’arrive de sortir de la peinture, et de peindre, sans rien dire, en m’exclamant parfois que je suis contente de ce que j’ai fait. Il jette alors un œil et me rejoint en me disant par exemple qu’il va faire un très beau dessin, encore plus beau que le mien et se met à peindre. Cela ne marche pas à chaque fois bien sûre, je tâtonne.
Faire diversion
Mahé peut s’énerver dans la maison, répéter des mots en boucle, s’il fait beau, je l’emmène faire un tour en roller. Il revient calme et peut alors se concentrer sur quelque chose.
Un jour, dans un jardin, il éclaboussait ses cousins en sautant dans une flaque d’eau. Ils lui demandèrent d’arrêter mais Mahé recommençait de plus belle en riant. Cela a commencé à énerver tout le monde, ce qui le faisait jubiler et il ne pouvait s’arrêter de crier en riant. Je lui ai demandé à mon tour d’arrêter, tout en sachant que plus je lui dirais cela et plus il recommencerait. J’ai alors décidé de l’emmener faire une promenade en lui disant : « viens avec moi, j’ai quelque chose à te montrer », « c’est quoi ? » me répondit-il, »tu verras, viens. ». Il est venu, on a marché, il a oublié ce pourquoi il était venu, nous avons fait une belle promenade.
Per ragioni istituzionali complesse proprie al Belgio, l’Antenne 110 ha perso nel 2004 la denominazione di Centro di trattamento e di cura per bambini autistici. Una nuova nominazione ci è stata attribuita. Siamo stati definiti come un “Centro di rieducazione”. Questo termine di rieducazione è molto lontano dalla nostra offerta per la presa in carico di bambini autistici e psicotici.
L’Antenne 110 è orientata fin dalla sua fondazione dall’insegnamento di Lacan. Abbiamo dunque dovuto ridefinire le nostre modalità di lavoro per accordare il concetto di rieducazione richiesto dal nostro organismo di sovvenzione, la previdenza sociale, con il trattamento caso per caso che riserviamo a ciascun bambino accolto.
I bambini che ci sono inviati hanno più spesso attraversato diverse accoglienze specializzate. Ci arrivano quando tutte le altre possibilità di accoglienza sono finite. Sono ritenuti ingestibili a scuola, a casa, o nelle istituzioni medico-pedagogiche. Accogliamo in un certo modo “i resti, i residui”, i bambini ineducabili dalle istituzioni scolastiche o medico-sociali. Quest’ultime non sono riuscite a integrarli nel loro programma o nei loro trattamenti. Si tratta allora d’inventare un dispositivo, ogni volta particolare, che possa prendere in conto questi bambini inassimilabili e non assorbibili nel programma terapeutico o educativo. È perché si sono mostrati refrattari al discorso nel quale erano presi che questi bambini ci sono stati inviati.
En décembre 2002, naît Aimar, un bel enfant qui est âgé maintenant de 10 ans.
Au début je vivais émerveillée devant l’aisance qui était celle d’élever un enfant que rien ne troublait, qui faisant tout à temps, voire même avant l’heure, qui semblait être très indépendant, comme s’il n’avait besoin de personne pour vivre.
C’est quand il a eu à peu près deux ans que certains aspects de son comportement ont commencé à me surprendre, comme son balancement avant de dormir ou l’incapacité qu’il éprouvait à étrenner des nouvelles chaussures que, bien entendu, nous avons dû rendre au magasin. Étant donné le fait qu’il était un enfant plein de vitalité et qu’on vivait encore éloignés de ses difficultés, on a décidé de le scolariser dès ses deux ans. D’après ce qu’on a appris plus tard, il pleurait beaucoup à l’école mais les responsables n’y ont pas accordé d’importance, pensant que peut-être son adaptation lui coûtait plus qu’à un autre enfant. Parfois je pense à tout ce qu’il a dû éprouver. Et voilà qu’à un moment donné, sa maitresse de l’époque, nous a convoqués à une réunion pour nous expliquer ce qu’elle avait remarqué. Elle a été très prudente en n’osant pas citer le mot, donc je l’ai dit moi-même : l’autisme.
A l’Antenne 110, nous sommes continuellement confrontés aux questions suivantes : comment faire avec les enfants dont nous avons la charge ? Comment les accompagner alors qu’ils se présentent souvent à leur arrivée comme coupé de l’Autre, qu’ils se font sourds à tout discours, que les voies du lien, de l’apprentissage, du désir semblent obstruées ?
Quelles inventions trouvent-ils pour pouvoir s’inscrire a minima dans le monde, dans le champ de l’Autre ? Et de notre côté, comment pouvoir entendre ce qu’ils ont à nous dire ? Comment pouvoir accueillir et être éveillé à leur singularité, à leur mode d’être qui nous restent souvent si étrangers ?
Pour paradoxal que cela puisse paraître, l’expérience clinique avec les enfants accueilli à l’Antenne qui remonte maintenant à plus de 40 ans, ne cesse de mettre en évidence que c’est lorsque nous arrivons à nous saisir des outils que le sujet nous tend, à faire une place à ses aspects les plus singuliers (son rapport à certains objets, ses centres d’intérêts, son appréhension du monde), que nous acceptons de nous laisser orienter et diriger par ce que l’enfant montre et fait, que l’on voit ce dernier évoluer, se déplacer, se risquer dans l’échange avec l’autre, se socialiser et s’ouvrir au monde.
Qui suis-je aujourd’hui ? Au-delà d’être mère ? Qui suis-je d’autre ?
À consolider les bords de mon enfant fragile, ais-je perdu de vue celle que j’étais ? ou à l’inverse ai-je investi mon identité dans ses moindres recoins ? Je refuse de perdre du temps à faire des suppositions sur ce qu’aurait été ma vie si mon dernier né n’avait pas été autiste. Quel intérêt ?
Pour être honnête, musicienne n’était pas le reflet de ma personnalité mais plutôt une voie facile dans laquelle j’avais su me faire un nom sans vraiment payer de ma personne. Je n’y étais pas entière et ça ne me satisfaisait pas. Prendre la décision de mettre un terme à ma carrière n’a absolument pas été douloureux, mais à l’inverse, libérateur.
Mais je ne peux pas nier que toutes les décisions qui ont été prises depuis la naissance de Théo, ou tout au moins depuis l’émergence de son autisme l’ont été en fonction de lui. Il est ma priorité. Quel que soit le sujet abordé, rien n’est construit dans ma vie sans que soit soupesé les effets que cela aura sur sa vie à lui.
Je ne sais pas si c’est une bonne chose, oui ou non, probablement les deux.
Dans la fondation Martin Egge Onlus, chaque intervenant suit individuellement l’enfant ou le jeune ; il reçoit les parents, avec lesquels il réalise des rencontres périodiques ; il maintient une relation constante avec les instituteurs et le monde de l’école, ainsi qu’avec d’autres figures de référence de l’ASL (Administration Sanitaire Locale). Si chacun travaille séparément, à l’horizon est toujours présente la « pratique à plusieurs », comme dispositif de référence à un troisième élément, personnes ou choses en praesentia ou absentia, qui puisse nouer autour du sujet un réseau de désir. Le traitement vise, comme l’écrit Éric Laurent, la construction « pour des sujets sans limites et sans bord […] d’une chaîne singulière qui amalgame signifiants, objets, actions et savoir-faire, qui a pour finalité de construire un circuit qui remplit une fonction de bord et de circuit pulsionnel » (1).
Trois vignettes cliniques de trois garçons qui nous sont arrivés déjà diagnostiqués comme Asperger, rédigées respectivement par Nicola Aloisi, Carlo, par Silvia Cimarelli, Samuel, et par Chiara Mangiorotti, Alberto, illustrent notre façon de faire:
Notre merveille, un petit garçon qui aura 5 ans demain, un petit garçon blond comme les blés avec deux billes bleues, un regard pétillant.
Un petit garçon dit Autiste…
Nourrisson, il pleurait beaucoup.
Dès les premiers jours, il ne supportait pas l’habillage, le déshabillage, ce qui plus tard s’avéra une aversion au toucher.
Il était en proie à de grosses colères qui devinrent vite « des crises »…
Il ébauchait des mots et remplissait bien les cases de son carnet de santé…Il fit du quatre pattes puis marcha, babilla puis dit quelques mots. Eliott nous regardait, nous souriait.
Puis un jour, Eliott nous échappa… C’était comme naître à l’envers.
Un peu plus chaque jour, il s’enferma dans un mutisme.
Mère de Carlos David, artiste participant à l’exposition « Le Monde au singulier », membre de l’associatión TEAdir-Granada
Tout d’abord, je voudrais remercier l’organisation pour l’invitation qui nous a été faite de réfléchir sur notre vie, dont une place centrale est occupée par une personne admirable et d’une beauté singulière : notre fils Carlos. C’est difficile d’identifier les difficultés rencontrées, spécialement lors de son long parcours d’étudiant, et il est difficile de cerner les mécanismes qui nous encouragent à rechercher de manière incessante une façon plus agréable de parcourir la vie. C’est aussi compliqué de mettre en mots ces questions et de les exprimer dans ce forum, étant données les émotions éprouvées lors de ce très long parcours, les souvenirs, mais étant donné, et fondamentalement, notre propos décidé de nous sentir à l’aise à ce qu’on allait dire. Nous voulons souligner notre reconnaissance aux personnes qui interviennent dans l’éducation, leur rôle est fondamental car elles veillent à rendre le monde plus agréable.
Il y a 40 ans nous avons décidé d’avoir notre fils Carlos, le premier de nos trois enfants et le premier petit-fils de la famille. Un enfant en bonne santé, joyeux. Peut être ce qui le caractérise de façon unique ce sont ses grandioses contrastes : il est affectueux à sa manière, généreux à sa façon, formidablement éloquent sur les sujets qui l’importent, capable de grands efforts pour plaire aux personnes qui lui montrent de l’amour ou qu’il croit qui le font. Il a une estime de soi élevée et il se demande pourquoi certains ne voient pas sa valeur. Il sait tout sur les sujets qui l’intéressent, il est infatigable par rapport à ce qui l’attire, tendre presque toujours, imprévisible, il ne se lasse pas de regarder les avions, et il sait plein de choses dessus, mais voler le terrifie. Il est avant tout fasciné par la lumière, les couleurs, les formes, le son. Il est très sensible à certains sons et à certaines lumières et cependant, il adore les feux d’artifice.
« Torreón ». Espace d’accueil et de traitement pour enfants et familles
María (nom fictif) est une petite fille autiste de 6 ans qui prononce à peine quelques mots. Il est temps de rentrer chez elle et elle descend dans l’ascenseur avec Teresa, intervenant de l’atelier bibliothèque. Au rez-de-chaussée, le boucan typique des retrouvailles des enfants avec leurs parents après deux heures et demie d’activités. Malgré les paroles douces et affectueuses de Teresa, María ne sort pas de l’ascenseur.
La jeune fille ne manifeste pas la volonté de ne pas vouloir sortir, elle a plutôt l’air « clouée au sol », paralysée et elle ne répond pas aux paroles de Teresa.
Un autre membre de l’équipe, témoin de la scène intervient et dit à la intervenant avec beaucoup d’emphase: «Mais Teresa, qu’est-ce que tu fais encore dans l’ascenseur ? » Tu ne sais pas que María a le droit de partir tranquille avec sa mère ?».
Teresa reçoit ce message théâtralement grave et présente ses excuses pour son erreur; la jeune fille quitte alors l’ascenseur toute seule et peut retrouver sa mère sans difficulté.
Cette petite illustration du fonctionnement quotidien, dans la lignée de ce que Jacques-Alain Miller a appelé « la pratique à plusieurs » et que Antonio Di Ciaccia a développé dans l’institution belge Antenne 110, sert à montrer les fondements du travail avec ces enfants à Torreón.
C’est arrivé il y quelques années, lorsque notre fils avait 3 ans et pour nous était le temps dur de l’incertitude.
J’ai accompagné mon fils à une excursion à une ferme-école avec d’autres enfants et des professeurs de la crèche. J’ai pensé que ce serait quelque chose que nous allions profiter ensemble, car il aimait beaucoup les animaux par ces temps-là. En arrivant là-bas, la distance m’a blessé.
Pendant que les autres enfants écoutaient assis et attentifs les explications sur les animaux, mon fils restait debout, étranger à tout ce qui avait autour de lui. Dans la pénombre de l’étable, il regardait vers un rayon de lumière qui semblait capter tout son intérêt, et il bougeait les doigts de ses petites mains en un mouvement étrange. Je l’appelais, je l’incitais à s’assoir avec les autres enfants. Lui ne semblait pas m’entendre.
Entre 20 et 25% des enfants accueillis aux CDIAT (Centres de développement infantile et d’attention précoce) de Fondation, au Programme d’Attention Précoce, ont été diagnostiqués de TSA. Ils nous ont été adressés pour un « retard du langage », « retard du langage et de l’attention », « problèmes de socialisation » ou « retard global du développement ». Ce sont des qualifications qui décrivent un ensemble de signes discrets entre les 2 et les 4 ans, d’après l’évaluation faite par l’Institut Aragonnais de Services Sociaux.
Les parents disent: « Il ne répond pas quand on l’appel, il ne se retourne pas », « c’est comme s’il n’en faisait qu’à sa tête », « il ne parle pas, il montre du doigt et nous prend par le bras pour nous amener à ce qu’il veut, ou bien il se met devant le frigidaire, à le regarder jusqu’à ce que nous lui demandons ce qu’il veut… », « il grogne quand il veut quelque chose, comme une plainte ». Aux entretiens d’admision lorsque nous demandons si l’enfant babillait dans son lit, la plupart des parents répondent affirmativement; le babillage, la lalangue était présente, mais ça ne s’est pas ordonée en mots. Dans certains cas ils nous disent: « mon enfant disait maman, papa, wafwaf… Mais maintenant il ne dit que « ça ou là ». C’est habituel que les parents n’arrivent pas à localiser le moment exact du changement, comme si cela avait été une rétention progressive de la parole. Cependant dans le récit des événemments du développement, surgissent des coïncidences, comme si tout avait été normal durant la première année et demie de vie et après… Quand il a commencé à marcher, au moment du sevrage, quand ils ont retiré la tétine ou au moment de l’introduction des panades. Chaque enfant est différent, et dans d’autres cas nous n’avons pas plus des données qu’un fait précis: « il ne parle pas comme les autres enfants de son âge, il ne dit pas aurevoir avec sa main ».
Parce que la Norme reste encore gage de respect dans notre société, cette exposition collective offre aux spectateurs la possibilité d’explorer et d’accéder à une terre encore inconnue dans un même monde. Une expérience hors-norme où chacun d’entre nous découvre, à travers le prisme autistique, un autre miroir de lui-même et chemine ainsi vers une meilleure acceptation de ses propres différences, vis à vis de soi-même d’abord et peut être un jour vis à vis des autres aussi.
Dans « Un monde au singulier » chacun des artistes exposés s’exprime avec la sincérité et la liberté originelle des enfants, alors même que certains d’entre eux ont déjà l’expérience d’une vie d’adulte. Ils nous livrent ici des oeuvres d’une vérité rarement rencontré et d’une intelligence émotionnelle encore trop souvent remise en question.
Marco révèle précocement son extraordinaire habileté pour dessiner, qu’il perfectionnera durant les cinq années de Lycée Artistique. Il a un trait ferme et réalise ses travaux à une vitesse incroyable : il développe précocement une attirance pour les bd et les dessins animés de la Warner Bros et il s’est inspiré d’eux pour dessiner durant longtemps, à travers une procédure très particulière : il choisit ses modèles dans la rue, des hommes adultes et chauves de préférence. Il prend des photos d’eux avec sa tablette ou smartphone, il réélabore les images en dessinant d’abord la tête chauve, à laquelle il ajoute ensuite une chevelure abondante de fortes couleurs, brillantes. L’année dernière, pour l’affiche qui réunissait les dessins avec lesquels il participe à l’exposition « Le monde au singulier » – présentée à Venise par la Fondation Martin Egge Onlus, en collaboration avec TEAdir-Aragón -, nous lui avons proposé le titre « on dessin la chance chauve ». Les anciens grecs représentaient la chance, l’occasion, précisément avec une tête chauve, et avec une longue mèche derrière, sur la nuque, qu’il fallait, justement, « attraper » vite, avant qu’elle ne se retourne. Pour Marco, serait-ce une façon de donner une forme a une nouvelle-frontière (ou néo-bord), déplaçant ainsi la barrière qui le sépare du monde?
Association de familles La Main à l’Oreille – Responsable de l’Antenne Normandie
Je suis celle qui « gère ». La paperasse, le tempo des rendez-vous, les allées et venues, CMP, école, les combats administratifs….
Dans mon quotidien parfois lourd, il y a aussi de grands moments de poésie, où le temps s’arrête, où le sublime est là.
Eliott a une stéréotypie toute particulière, il fait tourner son bras droit depuis son épaule comme un grand moulin, le bras est raide et droit comme un « i ».
Et il tourne, il tourne jusqu’à s’en décrocher le membre.
Il le faisait machinalement, sans expression sur son visage. A part un rictus figé, les dents serrées.
Son papa a eu une brillante idée, il lui a commandé un bâton de GRS, ces bâtons de gymnastes avec un long ruban bariolé.
Nous allons rapporter quelques traits du travail que nous avons fait avec Mario entre ses 2ans et 4 mois et ses 3 ans.
Les premiers jours, sa mère l’accompagnait. Quand il est arrivé, Mario ne parlait pas, il ne prononçait pas de sons, sauf un cri étrange et fréquent. Il ne répondait pas à son prénom et il ne dirigeait pas son regard. Mario ne manifestait pas d’intérêt pour les autres enfants, il ne les évitait pas mais il agissait comme s’ils n’existaient pas ; il ne montrait pas d’intérêt pour les adultes non plus. Il aimait spécialement le jardin, il y déambulait souvent accompagné d’un chariot ou d’une brouette qu’il traînait. Il présentait aussi un déséquilibre dans sa marche.
La mère nous avait expliqué qu’il faisait la même chose au parc : il ne jouait pas avec les autres enfants, Mario se consacrait à traîner le chariot et à courir après les pigeons, en criant.
En 2006, lorsque Zoé est arrivée au centre de Nonette, elle avait 17 ans. Elle criait sans cesse, et la vie à la maison était devenue très difficile. Je vivais seule avec mes deux filles, Zoé ayant une sœur de 3 ans sa cadette. Leur père était décédé alors qu’elles avaient 7 et 4 ans.
Zoé était terrorisée… passer une porte lui était insupportable… l’approcher, nous était devenu impossible… Sa peur de l’autre était si grande que l’accompagnement de la vie quotidienne (toilette, habillement…) se faisait sous des cris stridents, doublés de paroles répétées en boucle et de gestes de rejet.
Zoé n’écrit pas, elle n’a jamais appris à lire non plus, mais elle se soutenait d’images de nombreux livres qu’elle tenait dans ses mains comme un appui.
Au sein du Courtil un service transversal mobilise l’éveil au savoir. On y vient pour mettre au travail l’intérêt particulier porté sur un objet du savoir. Ce service s’intitule l’Eveil et accueille de nombreux enfants et jeunes des différents Centre de jour et Résidences.
Je travaille à l’Eveil, petite structure qui reçoit de jeunes sujets intéressés par un savoir. J’accueille ces jeunes – y compris de jeunes enfants autistes (dont on sait qu’ils ne sont pas insensibles au savoir) au Un par Un. Ce dispositif diffère bien sûr d’une pratique dans un groupe de vie ; le Un par Un (qui n’exclut évidemment pas le cas par cas) ne va pas de soi. Il m’a fallu inventer une manière de circuler, une façon de ponctuer l’atelier sans en passer par une pratique à plusieurs.
Ces petits objets que tu trimballes avec toi ne te quittent pas depuis que tu es petit, ils fluctuent avec le temps. Certains t’accompagnent pendant des semaines, d’autres sont plus éphémères. En ce moment c’est une assiette en plastique, une grande, une petite, un peigne, une brosse, un morceau de seringue. Des objets durs, des doux comme les pinceaux. Ah les pinceaux… tu les aimes plus que tout et tu adores les caresses avec les pinceaux.
Si nous ne te limitons pas, tu dors avec, tu te laves avec, tu manges avec, tu veux sortir avec et si tu n’as rien dans les mains, tu trouveras bien quelque chose en chemin. Il faut te demander de les poser pour manger et pour faire une activité. Ils sont aussi l’objet de négociations si nous voulons te faire obéir et que la parole ne suffit plus.
Les parents situent le début des difficultés de Noah lorsque la mère, quand il a neuf mois, doit retravailler et le confie à sa propre mère en journée. C’est alors qu’il a commencé à faire de terribles crises d’angoisse avec des pleurs inconsolables. Ensuite, toute frustration occasionnait des crises avec auto- puis hétéro- agressivité. Depuis l’âge de 2 ans ½, Noah est pris en charge par la pédopsychiatrie pour troubles de l’adaptation, troubles envahissants du développement, autisme sévère avec hétéro- et auto-agressivité.
Il y a deux ans et demi, Noah, jeune garçon de huit ans, est admis au Courtil.
Comment s’organise une pratique de la peinture avec les résidents du centre, à quelles difficultés je me trouve confronté et quelles réponses j’essaye d’apporter ? Quelles sont les conditions qui vont permettre une mise au travail et la réalisation d’une œuvre ?
Les résidents savent bien dire ou exprimer leur accord pour participer à l’atelier, c’est une condition nécessaire. Il faut aussi qu’ils acceptent d’y passer un certain temps pour pouvoir réaliser quelque chose. S’ils ne peuvent rester qu’un court laps de temps, je propose de travailler par séquences, de revenir plusieurs fois sur le même ouvrage.
Leur consentement à me suivre s’appuie sur la relation qui s’est établie avec moi. La forme que ce lien prend avec ces sujets est particulière, pas toujours apaisée et il faut tenir compte de ce qu’ils amènent dans la relation. La confrontation régulière avec leurs difficultés à vivre éclaire et rend prudent. Ne pas être dupe et ne pas croire que, c’est déjà un point de repère. Il y a d’un côté la nécessité de cette accroche pour épauler le sujet et de l’autre les travers que ce lien peut prendre. Ad augusta per angusta.
Un soir de septembre, je suis allée à la réunion de rentrée d’un de mon fils Zadig qui est en Ce1. Cette école, je la connais bien, son grand frère, Mahé, y avait été scolarisé en CP il y a quelques années, avant d’entrer dans la Clis (1) d’une autre école.
La directrice a présenté comme chaque année l’équipe : les institutrices et instituteurs, en terminant par l’institutrice de la Clis. Comme les autres années, rien de plus n’a été ajouté sur l’accueil des enfants différents. Pas même une explication concernant la Clis ! N’y tenant plus, j’ai demandé à la fin de la réunion, comment il se trouvait que l’on n’en dise pas plus sur l’accueil de ces enfants différents qui passent la journée à l’école avec les autres et dont le comportement peut parfois paraître étrange. La directrice a convenu que c’était une bonne idée de dire quelques mots sur ces enfants et a donné la parole à l’institutrice de la Clis.
J’ai vu pour la première fois Marcos quand il avait deux ans et demi. Marcos marchait sur la pointe des pieds, il agitait les mains dans les moments de tension, de curiosité et/ou de contentement, son grand intérêt était d’allumer et d’éteindre les lumières, d’ouvrir et fermer les portes, d’ouvrir et fermer les robinets d’eau de la salle de bain. Dans cette manipulation de l’objet en deux temps, Marcos mettait en jeu la structure élémentaire du symbolique : allumé/éteint, ouvert/fermé, il introduisait un signe + et un signe -, deux signes en opposition appliqués au même objet, réalisant ainsi une forme d’alternance. J’ai continué à voir Marcos seule, et je continue encore actuellement.
J’ai cherché à m’insérer dans ses activités répétitives avec tact, en maintenant une certaine distance, et en tentant d’y injecter de nouveaux éléments. J’accompagnais l’allumage et l’extinction des lumières au son d’un petit piano ou d’un xylophone. Je faisais de même avec les robinets. Souvent nous passions une bonne partie de la séance dans la salle de bain où Marcos ouvrait et fermait alternativement les robinets du lavabo, du bidet, de la baignoire, et j’accompagnais ses mouvements en introduisant divers rythmes lorsque je nommais ses actions, créant ainsi de nouvelles séquences « musicales », avec des figures de répétitions, de variations autour du thème ouvert-fermé etl’introduction de pauses, comme par exemple : « ouvert-ouvert-ouvert-pause-fermé-fermé », ou bien en l’accompagnant au son des instruments.
Vice-présidente du RAAHP (Rassamblement pour une Approche des Autismes Humaniste et Plurielle)
A la main à l’oreille, nous accueillons tous ceux, autistes, parents et amis, qui considèrent qu’une place doit être faite, dans la Cité, au mode d’être autistique, sans se référer à une norme sociale ou comportementale. Nous voulons promouvoir une approche qui prenne en compte leur subjectivité et accueille leurs inventions. Qu’avons-nous en commun ? D’avoir rencontré l’autisme, de l’être, ou de vivre avec, de l’avoir, ou de se dire avec, ou d’être dit avec…
A La main à l’oreille, nous misons sur l’invention. L’invention ne se décrète pas. Elle ne se programme pas. Elle arrive de façon inattendue, elle demande juste que nous sachions la reconnaître, l’accueillir. Nous n’attendons pas demain. Nous vivons aujourd’hui. Notre blog en témoigne, qui se construit, jour après jour, de ces petits riens, ces pépites qui font la vie, mais aussi de remises en cause, de défis et d’énigmes auxquels nous confronte notre rencontre avec l’autisme.
Responsable pédagogique du soutien scolaire à “Torreón”
Directrice des Centres d’Education Infantil à “Patinete”
Il y a déjà plusieurs années que j’ai commencé à travailler dans le domaine du soutien scolaire avec un enfant autiste, âgé de 6 ans à l’époque. Dans nos cours individuels, nous avons pris le temps de faire connaissance et nous avons entamé le travail, toujours avec son consentement.
Pendant l’’un de ces cours, dans un premier temps de travail, il m’a énoncé : « Ma tête est divisé en plusieurs compartiments étanches, il m’est très difficile de faire sortir et rentrer les idées ». J’ai été impactée par ses mots. Peu après il m’a dit qu’il aimait beaucoup aller au village de son grand-père, passer du temps avec lui et le voir travailler avec une vanne à guillotine. « Qu’est-ce que c’est ? » – je lui ai demandé. « Tu ne sais pas ? C’est un objet avec une lame très dangereuse qui coupe le passage de l’eau, mais des fois je peux l’utiliser avec mon grand-père et voir comment l’eau sort et rentre ».
Il y a deux garçons et une fille. Ils courent dans le salon, montent sur le sofa, sautent. « Nous sommes des pirates ! » crient-ils. Tout à coup, l’ainé, Miguel, s’arrête. « Papa est arrivé ! Il est là ! Ecoutez les enfants ! Il est là ! » ; dit-il. Il vient me serrer dans ses bras, et son accolade me comble. C’est un seconde de joie si intense… Les plus petits se joignent à nous. « Papi ! Papi ! » En un rien, ils sont bruyants, envahissent tout, m’accaparent, m’embrassent, veulent tout me raconter… Par un coin de l’oeil, je vois Miguel s’en aller, retourner à son monde intérieur. Il chantonne une des nombreuses chansons qu’il a appris par cœur. Au fond le téléviseur sur le canal Tele-tienda se fait entendre aussi : « Il y a encore plus ! Si vous n’est pas satisfait, nous vous remboursons votre argent ! ». Miguel s’en saisit et répété cette slogan avec la même intonation, avec les mêmes mots en esquissant un petit sourire au visage.
Equipe du Centre de Education Infantile “Patinete”
Au sein des institutions, l’importante question des limites et des interdits se doit de rester ouverte et toujours en révision: comment utiliser et transmettre les normes ? quelle est leur fonction ? que s’agit-il de réguler ?
Rappelons tout d’abord que l’une des caractéristiques de Patinete est la flexibilité, une flexibilité qui ne peut se fonder que sur un travail touchant à l’organisation même du centre. En effet, l’institution doit pouvoir être modulée « pour chaque enfant » afin que les modifications requises par la particularité d’un enfant cohabitent avec le « pour tous » institutionnel, et cela tout en créant une atmosphère propice au travail. Il est important de tenir compte aussi du fait que notre institution s’inscrit dans une perspective sociale, celle de « l’éducation ».
En février 2015, j’appris que j’avais un très gros problème de santé…
Pendant quelques jours, je n’ai rien pu en dire. Puis, un vendredi soir, nous étions avec mon mari dans la chambre de notre fille et sans vraiment l’avoir décidé, je lui ai annoncé la nouvelle.
Notre fille Anne-Laure est handicapée par un retard physique, une importante déficience intellectuelle et des traits autistiques générant entre autres, angoisse et automutilation.
C’est compliqué pour moi, en tant que mère, dire aux autres qui est mon fils, il faut plus qu’un quart d’heure pour expliquer cela.
Inas, il est arrivé à la fin de l’été 1996, le jour de Saint Bartholomée, tout pareil que son arrière-grand-père il y a cent ans. Ce n’est qu’une de ses aspects particulières. Il a été le premier petit-enfant garçon pour ma mère et c’est pour cela qu’il a été accueilli comme un roi par des grands-mères, des arrières-grands-mères (il y aveut trois), des tantes, des cousines et finalement par une nounou très spéciale. Et sans à peine nous rendre compte, on a décroché le diplôme de famille entres des siestes et des couches.
Depuis toujours il a affiché être un enfant très dégourdi et très spécial, d’une grande sensibilité. Il souriait constamment et il aimait manger et aussi goûter les différentes saveurs, en plus, il ne mangeait pas deux fois de suite la même chose. Les textures étaient très importantes pour lui, c’est la raison pour laquelle il n’appréciait guère la nourriture broyée.
Il a grandi accompagné de ces détails si sympas et petit à petit il a commencé à faire la découverte du monde. Gosse, il aimait beaucoup la musique, il démarrait à danser au son des premières airs, ainsi dans son premier Noël il a repéré l’une des ses grands passions : la batterie.
Nous utilisons des cookies pour nous assurer que nous donnons la meilleure expérience utilisateur sur notre site. Si vous continuez à utiliser ce site, nous partons du principe que vous êtes d'accord.Je suis d'accordLire plus